rencontre avec Maspero - La Femelle du Requin n°24, 2004

Maspero dit n’avoir aucune imagination et prétend que c’est toujours soi que l’on passe à travers les autres, quand on écrit. Il semble alors normal de retrouver nombre d’éléments autobiographiques dans son œuvre. Ainsi, son premier roman, Le Sourire du chat, paru en 1984, alors qu’à cinquante ans il laisse derrière lui plusieurs vies, revisite, avec l’histoire d’un adolescent surnommé le Chat, les événements tragiques et déterminants qui ont marqué l’auteur : un certain 24 juillet 1944 où la Gestapo vint arrêter ses parents, la mort de son père à Buchenwald, puis l’autre perte irrémédiable du frère, résistant, tué en Moselle à la fin de la seconde guerre mondiale. Celle-ci réapparaît dans Le Temps des Italiens (1994), roman des racines méditerranéennes de Maspero qui peut, par l’intermédiaire de Lise, le personnage principal, rendre hommage à des paysages disparus, exprimer la rébellion adolescente ainsi que son goût pour les histoires vécues ou la radio. Le Figuier (1988), son ambitieux deuxième livre, est l’occasion d’évoquer les activités qui précédèrent celle d’écrivain, à savoir, la librairie, l’édition et une passion toujours d’actualité, la traduction. L’engagement contre la guerre d’Algérie, l’Amérique Latine et ses révolutions, sont d’autres thèmes qui rappellent ses causes et amours. Un pays latino-américain est aussi le théâtre de La Plage noire (1995) où sont évoquées la désillusion face à la révolution trahie, la difficile transition de la dictature à la démocratie et les interminables queues devant les ambassades, en quête d’impossibles visas. De même, l’homme en éternel transit qu’est Maspero ne pouvait, passant à l’écriture, manquer d’aborder le récit de voyage. C’est ce qu’il fait dans Les Passagers du Roissy-Express (1990), Balkans-Transit (1997), ainsi que dans divers articles que l’on peut trouver regroupés dans Transit et Compagnie (2004).


Ces écrits reflètent une grande humilité face à l’autre. Maspero voyage avec ses doutes, son angoisse des frontières, en spécialiste de rien. Entre temps il aura sorti L’Honneur de Saint-ArnaudLes Abeilles et la guêpe, il trouve finalement ce regard qui lui permet de se pencher sur lui-même, arrive à dire «je», chose qu’il n’a pu faire qu’à partir de Balkans-Transit, et propose un retour sur son parcours, de sa « naissance à la mort » aux engagements plus récents, en passant par ses amitiés. Face à son beau désordre de vie, l’auteur navigue entre passé et présent, désenchantement et espoir. Quel est l’à venir en littérature de François Maspero ? Nul ne peut le dire, peut-être pas même lui qui ne peut plus écrire qu’animé par la « nécessité vécue ». (1993), son livre préféré, où, offrant sa vision sans complaisance d’un maréchal de France sous le Second Empire, il révèle son goût pour la chronique historique, domaine dans lequel il aurait aimé se plonger plus tôt. Cet ouvrage est aussi l’occasion de parler d’un pays déjà abordé dans Le Figuier et qui lui est cher : l’Algérie. En 2002, avec


Christian Casaubon et Laurent Roux de la revue La femelle du requin, n°24, 2004

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